DRESS.CODE.

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Les histoires de la collection dévoilées

01.10.2020-09.05.2021

DRESS.CODE.

Que nous racontent le bouton manquant d’un manteau, la couleur vive d’une robe moulante, la poche secrète d’un gilet, les larges manches gigot d’une robe, ou encore la laine délicate d’un costume sur mesure ? Les robes, chapeaux, bijoux et chaussures conservés au Musée de la Mode de Hasselt ont été sélectionnés, portés et choyés. Ils sont liés à des souvenirs, des émotions et des aventures. Ils représentent les témoignages tangibles d’une vie vécue et d’une histoire individuelle.

À l’occasion de son exposition DRESS.CODE., le Musée de la Mode de Hasselt plonge dans ses riches archives à la recherche d’anecdotes singulières.

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© Modemuseum Hasselt
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DRESS.CODE

L’exposition

Nos vêtements nous permettent de communiquer au monde extérieur qui nous sommes ou ce que nous voulons représenter : nous nous habillons selon les dernières tendances, portons des coiffures étonnantes, osons les imprimés audacieux, avons un créateur préféré... Cependant, outre cette réalité construite consciemment, nous racontons une foule d’autres histoires par l’intermédiaire de nos vêtements. Les empreintes de nos genoux dans un pantalon, les semelles usées de nos chaussures ou la tache de confiture qui marquera à tout jamais notre pull favori constituent autant de souvenirs physiques d’une réalité incontrôlable.

DRESS.CODE. applique les principes de l’étude orientée vers les objets. En déchiffrant et en analysant la forme, la matière, le pli, la tache, l’étiquette, les traces présentes sur un vêtement, etc., nous donnons vie à des objets inanimés et reconstruisons une possible biographie du vêtement et de son porteur.

L’exposition parcourt le processus de recherche à l’aide de différents thèmes servant de codes destinés à décrypter la langue des vêtements : forme, tissu, vanité, identité et histoires. Nous plongeons le visiteur au cœur de ce voyage de découverte afin de décrypter avec lui des histoires personnelles et culturelles consacrées à la beauté, à l’identité, à la conviction, à l’espoir, au genre et à bien d’autres choses encore.

CODE I - Forme

La coupe d’une jambe de pantalon, l’emmanchure, la longueur de la jupe, la hauteur de la taille, etc. témoignent d’une mode en constante évolution et contribuent à dater l’objet. La mode nous permet de donner forme à la personne que nous voulons être ou à la façon dont nous espérons être perçus par les autres. Dans ce cadre, la « gestion du corps » occupe beaucoup d’importance et, autrefois (comme aujourd’hui encore), divers outils et techniques servaient à maîtriser et à corriger le corps. Corsets, coussins, paniers, crinolines, tournures… mais aussi régimes et exercice physique, permettaient d’atteindre le corps idéal, indicateur de considération et de statut.

Les créateurs conçoivent leur propre idéal (de beauté) au sein de leur langage imagé. Pensons par exemple à l’espace qu’un corps peut occuper pour Coco Chanel ou Rei Kawakubo, par opposition à la quasi parfaite allure emprisonnée des corps chez Christian Dior ou Gianni Versace. Ces formes idéalisées s’opposent aux « corps authentiques » que nous découvrons grâce aux objets réalisés sur mesure et portés.

Le passé est une source d’inspiration que les créateurs décryptent, composent et réinterprètent afin de concevoir une nouvelle silhouette. La découverte de ces fragments disparates dans des pièces contemporaines est un jeu particulièrement agréable. Pourtant, nous sommes parfois induits en erreur, et un objet semble à première vue plus ancien ou originaire d’une autre culture. En effectuant une analyse précise axée sur les techniques, les formes et l’utilisation des matériaux, nous découvrons que ces pièces se fondaient sur des fantaisies romantiques du passé.

CODE II - Tissu

Si la matière, la couleur, l’ornementation, les coûts des matériaux et leur disponibilité offrent une foule d’informations sur l’époque à laquelle un objet a été porté ou fabriqué, ils permettent également de comprendre les goûts, la personnalité et l’histoire de son porteur.

Avant l’introduction étendue des matières synthétiques telles que la rayonne dans les années trente, les textiles pour l’habillement étaient essentiellement fabriqués à partir de fibres naturelles comme la laine, la soie, le lin ou le coton. De même, les divers traitements, comme la teinture, l’impression, la broderie ou le tissage, contribuent à dater l’objet avec précision.

Au fil du temps, les matières et formes d’ornementation peuvent changer de statut et évoquer de nouvelles connotations. De nos jours, le léopard se décline sous toutes les formes, en imprimé ou en tricot, en fausse ou vraie fourrure, sur le cuir ou en broderie. Or, celui-ci fait partie de la mode depuis l’Égypte antique, où il était associé au divin féminin. Cet imprimé autrefois clairement associé au raffinement éveille aujourd’hui diverses impressions allant de sexy à élégant, de vulgaire à distingué, de conventionnel à innovant. Si, pendant des siècles, les pièces en fourrure ont représenté un symbole de statut, elles ont cependant perdu de leur attrait au cours du vingtième siècle, avec la mise en lumière d’arguments éthiques. 

Plusieurs créateurs entretiennent un lien particulier avec certains matériaux, motifs ou traitements. Dans ce thème, nous découvrons l’histoire qui se cache derrière le motif artistique d’un ensemble de Zimmermann datant des années 1920, nous examinons l’utilisation de matériaux non conventionnels par Paco Rabanne et nous étudions l’imprimé ludique d’une silhouette de Norine de la fin des années 1930.

Les couleurs sont associées à diverses significations symboliques. Dans notre culture – chrétienne – occidentale, le blanc est mis en relation avec l’innocence, la pureté et l’éternité. De même, cette non-couleur évoque des notions de paix et de fidélité. Grâce à ces connotations positives, le blanc s’est vu attribuer une place prépondérante lors d’événements heureux et importants de la vie, comme les baptêmes et les mariages. Par ailleurs, les groupes de défense de la justice, comme les suffragettes du début du vingtième siècle, ont mené la lutte dans des tenues (partiellement) blanches. La mode se sert de la symbolique bien connue de l’innocence, de l’honnêteté et de la pureté, tout en ajoutant aussi de nouvelles significations et connotations.

Parfois, des matériaux non conventionnels sont utilisés. En période de pénurie, comme en temps de guerre par exemple, on recherchait souvent des alternatives et on fabriquait des jupons à partir de matériaux imprévisibles. Derrière le recyclage de matériaux se cache parfois aussi une forme de protestation contre notre société de consommation et son gaspillage. Les créations de la ligne « Artisanal » signée Maison Martin Margiela, qui offrent une interprétation toute singulière de la haute couture, en sont le parfait exemple.

CODE III - Vanité

Durant leur phase d’utilisation, vêtements et accessoires nouent une relation intime avec le corps qu’ils enveloppent. Un corps bouge, grandit, rapetisse parfois, se cogne, transpire et... laisse des traces. Déchirures, déformations, modifications et décolorations traduisent de manière tangible le souvenir de la réalité incontrôlée de la vie. De même, l’usure, qui prend la forme de dégâts et d’une décomposition sous l’effet de la lumière, de l’humidité, des nuisibles et de la saleté, nous en dit plus long sur la biographie d’un objet. 

À différents moments dans l’histoire de la mode, la beauté de l’imperfection a représenté une source d’inspiration majeure pour les créateurs. Au début des années 1980, les créateurs japonais faisaient fureur avec leurs silhouettes monochromes asymétriques aux coutures inachevées et aux ourlets effilochés. Aux côtés d’Issey Miyake et de Yohji Yamamoto, Rei Kawakubo a permis à Paris de découvrir des formes pour lesquelles l’inachevé et l’imparfait sont considérés comme des symboles de vie. Dans la culture nippone, ce concept porte le nom de wabi-sabi. À la fin de cette même décennie, les créations déconstruites du créateur belge Martin Margiela ont suscité un émerveillement comparable. De jeunes couturiers comme Jurgi Persoons et Raf Simons intègrent avec délicatesse des éléments grunge dans leurs créations.

 

CODE IIII - Identité

Les vêtements et la mode sont un moyen d’expression. Nous nous façonnons une image qui s’adresse aussi et surtout à l’autre, cet inconnu qui peut ainsi nous percevoir comme aimables, audacieux, brutaux, accessibles, créatifs, sophistiqués, politiques, engagés, conformes, etc. Grâce à des choix réfléchis, nous nous montrons tels que nous voulons être, tels que nous espérons être compris et acceptés par celles et ceux qui parlent le même langage. L’identité est un mélange entre rêve et réalité qui vise à la fois à nous rendre uniques et à nous intégrer à un groupe. Dans le cadre de ce thème, nous étudions la notion d’identité (dresscode) à l’aide de concepts tels que tradition, conspicuous consumption, normcore et homeless chic.

Il y a quelques décennies encore, la mode était, bien plus qu’aujourd’hui, liée aux règles de la tradition et de l’étiquette. Son vocabulaire était lu, compris et appliqué par tous. Depuis le vingtième siècle, ces règles sont progressivement brisées, et les « codes » et identités qui coexistent sont bien plus nombreux. 

La façon dont une personne se présente au monde extérieur est instable et dépend d’idées changeantes sur le statut social, la beauté, le genre et la sexualité. Autrefois, l’accent portait sur l’étalage de luxe et de richesse – conspicuous consumption – pour afficher sa classe sociale et sa place au sein de la société. Aujourd’hui, en revanche, la personnalité et les idées sont mises à l’honneur. Différents codes coexistent, et l’on passe d’une personnalité à l’autre sans la moindre difficulté. Ainsi, ces codes sont bien plus difficiles à déchiffrer ; ils sont lisibles pour les initiés, mais restent vagues pour les profanes.

À la lecture et à l’examen de la société de la mode contemporaine, les styles et identités sont catégorisés – souvent par les médias – à l’aide de termes malheureux et stigmatisants tels que homeless chic et normcore. Les créateurs expérimentent et recherchent de nouvelles formes de beauté intéressantes qui vont à l’encontre des canons usuels. Ils trouvent la beauté dans des vêtements déconstruits, usés et souillés, dans l’ordinaire et « l’inintéressant ». À l’aide de plusieurs créations contemporaines, nous étudions la façon dont sont apparus ces dresscodes.

 

CODE IIIII - Histoires

Le dernier thème de l’exposition se penche sur les anecdotes liées à un vêtement. Contrairement aux objets, que nous pouvons conserver très longtemps en prenant soin d’eux, l’origine passionnante, le souvenir précipité ou l’aventure qui les accompagnent menacent de disparaître si nous ne les consignons pas.

Les données liées à l’origine offrent à l’investigateur de précieuses informations sur l’environnement et le mode de vie du porteur original. L’étude des vêtements d’une même garde-robe fournit des données d’une grande valeur à propos des préférences d’une personne en matière de style, de couleurs et de matières.

Les vêtements sont des objets chargés de sens. Ils sont liés aux personnes, aux événements, aux expériences et aux sentiments. Les chaussures, jupes et t-shirts que nous conservons depuis des années dans nos armoires, tiroirs et boîtes en carton sans plus jamais les porter, mais que nous sommes incapables de jeter, sont autant de reliques nostalgiques que nous chérissons parce qu’elles nous rappellent un été mémorable, la personne que nous étions autrefois, un amour perdu... Les vêtements nous rendent visibles aux yeux de tous, mais aussi aux nôtres : ils nous donnent confiance en nous, font office d’uniformes et nous offrent la possibilité d’être celui ou celle que nous voulons être.

Cette dernière salle rassemble les témoignages et histoires de plusieurs personnes qui, selon leur propre expérience, aiment la mode de manière réfléchie, chérissent leurs vêtements et les conservent. Ces histoires sont à la fois personnelles et universelles.